Description
Les premières représentations de la Crucifixion apparaissent dès le Ve siècle à Byzance où se développe un prototype qui sera repris ensuite à travers toute la Chrétienté.
Il s’agit d’abord d’œuvres célébrant la Résurrection et mettant en avant le caractère incorruptible du corps du Christ. En effet, il est représenté sur la croix, les yeux bien ouverts, sans la moindre de trace de souffrance, il est le Christ Ressuscité.
Dès la fin du XIe siècle, en Europe, les artistes transposent ce thème en ronde-bosse. Dès lors, le Christ n’est plus le Dieu fait Homme vainqueur de la mort mais un être de chaire et de sang succombant à son martyr.
Cet important et rare Christ présente un corps droit aux longues jambes articulées par des genoux en légère flexion. Ses bras sont bien ouverts, parfaitement horizontaux et terminés par des mains aux doigts fins.
La tête se penche sur la poitrine, en s’inclinant légèrement vers la dextre. Cette représentation se conforme ainsi aux Écritures : « Et inclinato capite tradidit spiritum » (Jean, XIX-30, « Et inclinant la tête, il rendit l’esprit »).
Le visage allongé du Christ, à la barbe bifide, aux joues légèrement creusées, au nez droit, aux paupières bombées sous des arcades sourcilières en arc de cercle, possède une certaine réalité anatomique. La bouche ouverte, les yeux mi-clos, le supplicier vient de laisser échapper un dernier souffle de vie. Bien qu’il s’agisse de la représentation d’un Christ mort, il n’y a ni pathos, ni expressivité outrancière. Il est calme et indifférent à la douleur.
La sculpture étant destinée à être vue en contre-plongée, la chevelure du Christ n’a pas fait l’objet d’un traitement spécifique. Il s’agit d’une simple chevelure en bonnet, sans ébauche de mèche. Il est également possible qu’une couronne d’épine venait ceindre la tête de Jésus comme le suggère la présence des gouttelettes de sang sur son front.
Ce Christ apparait comme une belle œuvre de transition entre le XIIe siècle et le XIIIe siècle.
En effet, il reste fidèle à l’horizontalité et au hiératisme des plus anciennes représentations.
L’anatomie du corps du Christ, n’a pas encore le naturel qu’elle adoptera à partir du milieu du XIIIe siècle. Les côtes sont vigoureusement sculptées. Cette façon de décrire le corps humain répond à un canon hérité de l’art byzantin qui se maintient parfois jusqu’au début du XIVe siècle.
Toutefois, certains indices inscrivent clairement ce Christ parmi les réalisations du XIIIe siècle. Le sculpteur a cherché davantage de réalisme dans l’expression du visage. Les pouces parallèles aux autres doigts, la superposition des pieds en rotation interne représente une innovation par rapport au XIIe siècle.
L’originalité de ce Christ tient à sa nudité. Qu’il eut été réalisé dans le but d’être présenté dans le plus simple appareil ou revêtu de véritables étoffes en guise de périzonium, cette particularité fait de ce Christ un exemple rarissime. Il n’existe en effet qu’un nombre très restreint d’exemples de Christ nu, réalisés généralement à la Renaissance, le plus célèbre étant celui sculpté par Michel-Ange et aujourd’hui exposé dans la Basilique Santo Spirito de Florence.
Bibliographie :
Paul Thoby, Le Crucifix, des Origines au Concile de Trente, Bellanger, Nantes, 1959.
Jacqueline Boccador, Edouard Bresset, Statuaire Médiévale de collection, Tome I, Les clefs du Temps, 1971.