Description
Cette Vierge à l’Enfant est revêtue de vêtements induisant des plis en nombre limité et témoignant d’une épaisseur bien caractéristique de la région bourguignonne où à la suite de la présence dans la région, du flamand Claus Sluter réalisant à Dijon “Le Puits de Moïse” et la décoration de la Charteuse de Champmol, s’épanouit un art bien caractéristique, maintenu vivant par quelques grands artistes qui se succèdent sur la réalisation des tombeaux des ducs de Bourgogne, Philippe le Hardi et Jean sans Peur, tels Claus de Werve son neveu qui mourut avant d’avoir trouvé les pierres necessaires, mais réalisa un grand nombre d’oeuvres dans la région, Jean de la Huerta, Antoine le Moiturier.
La Vierge est portée par une base carrée et peu débordante.
Le hanchement léger de cette Vierge à l’Enfant est bien motivé par le port de l’Enfant qu’elle tient de la main sur sa hanche droite.
Elle est couverte d’un grand manteau de lourde étoffe, à l’ancienne polychromie rouge, replié en col autour du cou, écarté du corps par le bras gauche, laissant visible la robe bleue moulant la poitrine et marquant sa taille fine sans ceinture mais qui forme un pli oblique et deux ou trois plis motivés par l’avancée de la jambe, avant d’atteindre le sol où le pied apparaît sur le côté.
Du côté droit il enveloppe le bras qui soutient l’Enfant et retombe en larges plis en méplat jusqu’au sol qu’il recouvre.
La Vierge porte un voile court qui avance sur le devant du visage comme sur les pleurants du tombeau de Philippe le Hardi à Dijon mais le laissant cependant bien visible. Il disparait à l’arrière sous le manteau.
Deux belles et longues mèches de cheveux aux larges ondulations encadrent son visage aux traits réguliers et aux yeux baissés. L’expression est douce et mélancolique.
L’arrière de la Vierge est travaillé et parcouru de quelques plis, elle était donc bien conçue pour être autonome.
L’enfant Jésus vu de profil, est vêtu d’une longue tunique à manches longues, à encolure en V, et tient un phylactère de sa main gauche tandis que son index droit désigne une phrase que le phylactère est censé porter.
Sa chevelure courte est parcourue de stries aux larges ondulations.
A ce propos c’est surtout en Bourgogne qu’on trouve un certain nombre de Vierges à l’Enfant sur lesquelles l’Enfant Jésus porte un phylactère sans qu’on puisse décrypter le texte qui était écrit. Cependant trois d’entre elles portent encore un texte lisible, car gravé, ce qui pourrait nous éclairer mais le sens en est différent sur chacune d’elle.
a-Sur la Vierge de Vandenesse ( Cote d’Or) le phylactère est sculpté du texte « Ave » ce qui semblerait être une louange de l’Enfant à sa mère puisqu’il reprendrait la salutation de l’ange Gabriel à Marie lors de l’Annonciation.
b-Par contre sur celui de la Vierge de Nozeroy c’est un texte beaucoup plus significatif : « MORTALE CORPUS INDVI ORBI PIANDO VICTIMAM » (Mon corps mortel en ce monde doit être offert en sacrifice) c’est l’annonce du thème de la passion qui correspond bien à l’attitude mélancolique de la Vierge, ici les yeux baissés.
Enfin sur une troisième, la Vierge de Pernand, un texte en caractères modernes MATER AMABILIS semble confirmer, auprès des fidèles, l’encouragement du Fils à prier sa Mère.
Sans être très fréquent ce thème est assez bien représenté en Bourgogne par :
c-La Vierge de la Porte aux Lions à Dijon, actuellement au Louvre (l’enfant laisse pendre un phylactère)
d-La Vierge de Bezouotte près de Dijon probablement de Claus de Werve (l’enfant désigne du doigt un endroit sur le phylactère qu’il tient de l’autre main.
Enfin Henri David (De Sluter à Sambin, t.1, passim) signale plusieurs madones de ce type dont quelques unes sont présentées ici.
e-La Vierge de Flammerant qui porte le sceau de Claus Sluter (L’enfant tient un long phylactère sur lequel il pose son doigt en s’adressant au personnage masculin agenouillé en adoration devant la Vierge)
f-La Vierge de Corsaint (l’enfant déplie un phylactère)
g-La Vierge de Villebichot (Côte d’Or) (l’Enfant tient un phylactère en partie déroulé)
On remarquera l’utilisation du voile couvrant largement le front que l’on trouve aussi spécialement en Bourgogne et qui est très représenté sur les saintes femmes des mises au tombeau, mais aussi sur la Vierge de Bezouotte (d) et celle Brétigny (h)
Bibliographie
Pierre Camp, Les Imageurs Bourguignons de la fin du Moyen Age, Les Cahiers du Vieux Dijon, 1990.
Jacque Baudouin, La Sculpture Flamboyante, Bourgogne Franche Comté, Créer, 1996
Albert Colombet, Les Madones au phylactère, Bourgogne Morvan, Dijon, Arthaud 1975