Description
Contexte historique
Le XVIe siècle apparaît à Lyon comme un exceptionnel moment de renouveau. Les foires qui se tiennent régulièrement lui assurent un dynamisme économique et lui confèrent une position de carrefour européen, où se rencontrent les influences. La ville de Lyon est également l’un des séjours de la Cour et des artistes au fait des innovations les plus récentes. Ainsi, se retrouvent dans cette ville les acteurs qui favorisent la création artistique. La florissante imprimerie lyonnaise permet quand à elle une large diffusion des modèles des artistes les plus influents et les plus innovants de cette époque. Ces modèles furent assimilés, réinterprétés, transformés par les ateliers lyonnais.
C’est également au XVIe siècle que Lyon redécouvre le passé glorieux qui fut le sien durant l’antiquité. Cette antiquité lui donne un nouveau souffle, une nouvelle grammaire ornementale, où s’allient entrelacs, lauriers, choux-bourguignons, palmettes, raie de cœur, putti ou bien encore grotesques.
Ce sont ces motifs que les huchiers et sculpteurs choisissent pour orner les plus beaux meubles lyonnais. Ils emploient des procédés techniques et ornementaux originaux apparentés à ceux des graveurs d’estampes, qui lui confèrent une véritable identité.
En outre, ils renouvellent la structure du mobilier, en réinterprétant le langage architectural antique, actualisé par les artistes Italiens. Ce recours au vocable architectural a sans doute été favorisé par la présence à Lyon de Sebastiano Serlio
mais aussi de l’architecte lyonnais Philibert de l’Orme, qui ne manqua pas de voyager à Rome afin de se familiariser avec l’architecture antique. Si ce mouvement de retour à l’antique se retrouve à travers toute l’Europe, le travail lyonnais à ceci de singulier qu’il emprunte à l’architecture ses principes d’organisation et de rigueur dans la répartition des masses mais néglige ou rejette fréquemment les emblèmes architecturaux (colonne et fronton par exemple). L’ensemble, bien que remarquablement équilibré, paraît moins architecturé que dans d’autres régions du fait de l’absence de ces éléments.
Description
Ce cabinet est à deux corps superposés, le corps supérieur, plus étroit, est placé en retrait. Il ouvre par quatre vantaux en façade et deux tiroirs en ceinture et repose sur une base dont la moulure est ornée d’une frise de feuilles. Parfaitement architecturé, il présente un bel équilibre des proportions.
La structure du meuble est savamment décomposée. Horizontalement, les deux corps sont séparés par une ceinture ouvrant à deux tiroirs. Verticalement, les montants latéraux et le dormant central, ornés de palmettes, de remarquables choux-bourguignons accompagné de chutes de fleurs et de cartouches de bois noirci, encadrent les quatre vantaux sur lesquels se déploie un exceptionnel décor végétal.
Les deux panneaux des vantaux du corps inférieur, enserrés dans un cadre mouluré assemblé à coupe d’onglet sont ornés d’un ensemble symétrique d’entrelacs et d’enroulements végétaux. De ces enroulements naissent deux têtes d’oiseaux stylisés placées de part et d’autre d’un chou bourguignon.
Les deux tiroirs, séparés par des consoles, sont décorés de guirlandes de fruits.
Les panneaux du corps supérieur sont sculptés de beaux rinceaux de feuillages à terminaison spiralée disposés autour d’un mascaron féminin.
Les panneaux des côtés sont également ornés de tiges rayonnant autour d’une rose centrale pour le corps inférieur et de feuilles encadrant une table de bois noirci pour le corps supérieur. Les montants sont sculptés de frises de lauriers tandis que la ceinture reçoit un décor d’entrelacs.
L’importance accordée à la décoration des faces latérales de ce cabinet ajoute à son raffinement.
Ce cabinet est couronné par une corniche à ressauts ornés de deux frises de palmettes et soulignés par deux fusarolles. Cette corniche est soutenue par trois consoles. Les deux consoles latérales sont sculptées d’une tête de putti posée sur des ailes
admirablement travaillées tandis que la console centrale est agrémentée d’un mascaron féminin posé sur des draperies.
Le décor de ce cabinet s’illustre tant pas son extrême richesse que par la qualité de sa réalisation. Les motifs des frises comme des panneaux sont variés et les mascarons sont tous individualisés. Aucune monotonie, donc, dans cette ornementation travaillée avec un raffinement infini illustrant sans aucun doute qu’elle fut l’œuvre d’un artisan des plus habile. En outre, le décor de ce cabinet sculpté en très léger relief anime la surface des panneaux grâce à d’intéressants jeux de lumière, lui conférant une grande somptuosité.
Ainsi, sur ce cabinet aux proportions harmonieuses, s’allie à une structure bien architecturée, un décor symétrique de grande qualité, réalisé en méplat, emprunté à l’art du graveur. Ces éléments sont particulièrement caractéristiques de l’École lyonnaise des années 1540-1570.
Bibliographie
BOCCADOR Jacqueline, Le Mobilier français du Moyen Age à la Renaissance, Éditions d’art Monelle Hayot, 1988
THIRION Jacques, Le Mobilier du Moyen Age et de la Renaissance en France, Edition Faton, 1998
VIRASSAMYNAÏKEN Ludmila (dir.), Arts et Humanisme, Lyon Renaissance, Somogy éditions d’arts, Paris, 2015