Description
Historique
La production des grandes armoires se répartie entre l’Allemagne, la Suisse et l’Alsace entre le XVIe siècle et le début du XVIIIe siècle. Elles obéissent à des règles strictes, régissant tant les proportions que le décor. Ce meuble d’apparat aux dimensions imposantes et au riche décor illustre le savoir faire des artisans locaux. Meublant les demeures bourgeoises, ce meuble permet à son propriétaire de faire montre de ses richesses.
La structure de ces armoires évoluent dans le temps.
A partir du milieu du XVIe siècle, la redécouverte de l’architecture antique, au travers notamment des ouvrages de Vitruve impacte grandement le mobilier.
Dès lors, l’architecture se met au service de l’art du meuble et devient un modèle pour les menuisiers qui en appliquent sciemment les règles. Sorte d’architecture réduite, les façades des armoires allemandes sont alors rythmées de colonnes ou de pilastres, surmontées de corniches et ornées de fenêtres coiffées d’un fronton ou de niches. A la perfection de l’architecture vient s’ajouter un décor sobre aux formes équilibrées. L’adoption de cette nouvelle manière ne se fait toutefois pas au détriment des traditions locales et l’emprunt des composantes italiennes reste teinté d’apports germaniques. Cela concourt à créer un art singulier.
Les armoires réalisées alors se composent généralement des deux corps supperposés, reposant sur un socle et surmonté d’une corniche.
En revanche, au début de la Guerre de Trente ans (1618-1648), un autre type d’armoire obtient la faveur des ébénistes. Cette dernière comporte alors un unique corps de meuble, ouvrant à deux battants. Elle marque le point d’achèvement de l’évolution typologique du meuble germanique amorcé au XVIe siècle.
Elle est généralement désignée sous le terme de Halber Kastern, c’est à dire demi-armoire. Son montage illustre les traditions germaniques.
Elle se compose ainsi de trois parties (socle, corps de meuble et corniche) encastrées l’une sur l’autre. Le dos du corps d’armoire est entièrement fendu dans le sens de la hauteur. Les deux parties sont assemblées à rainure et languette. Les planches qui forment le plafond et le plancher du coffrage sont également de deux parties, jointes dans l’axe de la brisure du dos. L’ensemble est consolidé par un système de tenons et mortaises verrouillé par un coin ou clavette de bois. Grâce à ce procédé, le bois peut jouer sans que cela ne risque d’endommager la structure du meuble, lui assurant ainsi sa longévité.
Elle fait toujours la part belle à l’architecture. La rigueur de la structure est accompagnée par un décor dans lequel chaque détail participe à l’architecture.
Description
L’armoire présentée ici fait partie de ces Halber Kastern. Composée d’un unique corps de meuble ouvrant à deux battants, elle repose sur une base où est logé un tiroir tandis qu’une corniche très légèrement débordante la couronne.
La façade est scandée par trois pilastres en gaine très peu saillants décorés de formes géométriques.
Les vantaux sont décorées d’une arcature en plein-cintre, aveugle et cerné d’un cadre mouluré. De part et d’autre, ce dernier est épaulé de deux sphinges très stylisées, formées de sinueux rinceaux en méplat.
Le soubassement est composé de deux pointes de diamants posées sur un enroulement vêgétal illustrant de manière particulièrement discrête le style auriculaire alors très prisé par les artistes.
Enfin, les baies sont couvertes d’un linteau portant une date – 1641 – et un fronton triangulaire interrompu.
L’armoire est couronnée par une corniche très légèrement débordante soutenue par trois consoles magistralement sculptées de visages – masculin au centre et féminins de part et d’autre.
Les serrures et les pentures ont reçu un riche décor gravé, parachevant ainsi le remarquable décor de ce meuble.
Cette armoire semble être le pur produit du travail des artisans germaniques du XVIIe siècle. Le décor, tout en équilibre et en retenu, vient délicatement accompagner les lignes architecturales de la structure de l’armoire.
Les artistes favorisent les grandes plages lisses, d’une seule essence de bois contribuant à créer une impression de monumentalité. Ils mettent ainsi l’accent sur l’harmonie des tons, des formes et des proportions.
Bibliographie
LÉVY-COBLENTZ Françoise, L’art du meuble en Alsace, Tome 1, du Gothique au Baroque, 1480-1698, Librairie Istra et Editions des dernières nouvelles d’Alsace, 1975