Description
Peu avant la seconde moitié du XVIe siècle, le mobilier français évolue considérablement.
Le roi François Ier après avoir guerroyé en Italie, s’attacha à faire exécuter en France, par des artistes italiens, les plus belles réalisations.
Cette renaissance prend d’abord corps sur le chantier de Fontainebleau sur lequel se côtoient les plus grands artistes de leur temps, Italiens notamment. Ils y développent de nouvelles formules riches et inventives. Leurs œuvres et leurs projets sont diffusés à travers toute l’Europe sous forme de recueils de gravures et d’estampes. Le Rosso, Nicolo dell’Abate, Le Primatice, transmettent à la France entière le goût de l’antique.
Trois architectes théoriciens, Jacques Androuet du Cerceau (1510 – 1585), Philibert de l’Orme (1510 – 1570), Jean Bullant (1520 – 1578), complétèrent, par leurs écrits, leurs œuvres et de très nombreux dessins, l’apport à cette toute nouvelle inspiration qui devait déterminer la structure et l’ornementation des meubles français de la seconde moitié du XVIe siècle.
C’est sous le règne du roi Henri II (1547 – 1559) et sous la régence de Catherine de Médicis (1559 – 1589) que se développa l’iconographie générale de ce mobilier.
La structure du meuble se transforme, prenant modèle sur l’architecture grecque et romaine qui renait alors. Le mobilier se pare en outre d’un décor nouveau, inspiré par le maniérisme bellifontain et marqué par l’étude de l’antique. Le vocabulaire ornemental évolue, suivant le goût antique : palmettes, volutes, acanthes, termes, pilastres et colonnettes, aigle, têtes de béliers…
Ce cabinet, à la structure sobrement architecturée, agrémenté d’un riche décor sculpté rend admirablement compte de la production de la fin du XVIe siècle, imprégnée d’influences italiennes, bellifontaines et antiques. Il ouvre par quatre vantaux et deux tiroirs en ceinture.
LE CORPS INFERIEUR
S’élevant sur une base moulurée, le corps inférieur suit un rythme ternaire. Trois exceptionnels termes taillés en haut relief cantonnent les vantaux. Les deux termes masculins, aux corps puissants et aux boucles bien dessinées, sculptés sur les montants latéraux portent autour de leurs hanches des draperies sur lesquelles sont réalisées une tête d’angelot et un mufle de lion. Au centre, le terme féminin à la coiffure particulièrement travaillée, porte un collier en forme de coeur. Sur ses draperies est posé un masque grimaçant qui cache la serrure dans sa bouche.
Chacun des vantaux embrevés dans un cadre mouluré présente des cuirs découpés stylisés et des feuilles d’acanthes autour d’un miroir bombé.
En ceinture, placés entre trois modillons décorés d’une palmette, sont disposés les deux tiroirs.
LE CORPS SUPÉRIEUR
Le corps supérieur, placé en retrait, reprend le rythme du précédent. Les termes reprennent également la même physionomie bien que les termes masculins portent une belle moustache retroussée. Ils sont posés sur des gaines ornées de palmettes et dont l’extrémité s’enroule en deux petites fleurs.
Les deux vantaux en revanche illustrent un thème mythologique. Deux divinités sont placées sous des niches, surmontées chacune d’un aigle majestueux, et reposant sur un chou bourguignon. A droite est représenté un homme casqué. De sa main gauche il se tient sur son bouclier en écu. Cela imprime à sa posture un léger contrapposto. Il tient de sa main gauche, la hampe de sa lance. A gauche, une femme lui fait contrepoint. Elle aussi est représentée nue, une flèche dans sa main droite et un cœur transpersé dans sa main gauche. L’étude de ces deux divinités laisse penser qu’il s’agit des amants mythologiques Vénus et Mars. La déesse a transpersé le cœur du dieu de la guerre qui baisse les armes.
Le meuble est couronné d’un fronton d’une qualité exceptionnelle, garni de belles feuilles d’acanthes enroulées et en son centre, du très beau masque féminin.
LES CÔTÉS
Les côtés ne sont pas laissés pour compte. Ils sont accostés de deux élements stylisés, l’un au corps feuillu et au visage de femme.
Les panneaux sont sculptés en leur centre d’une rosace et de cadres moulurés.
Ce travail de sculpture, la justesse de la composition et le respect des proportions font de ce meuble, un parfait exemple des réalisations des huchiers français durant la seconde moitié du XVIe siècle. La présence sur les vantaux du corps supérieur du dieu de la guerre et de la déesse de l’amour laisse penser que ce cabinet fût réalisé à l’occasion d’un mariage et offert aux deux époux, célébrant ainsi leur union.
Les termes qui rythment la façade de ce cabinet ne sont pas sans évoquer le souvenir des travaux d’Hugues Sambin. Cet intérêt pour l’ordre cariatide se fit jour d’abord au travers des stucs du château de Fontainebleau avant de connaitre un véritable engouement suite à la publication en 1572, à Lyon du recueil De la diversité des thermes dont on use en architecture… du Maître dijonnais (actif à Dijon de 1547 à 1583). Les trente-six figures dessinées par Hugues Sambin furent, pour les huchiers, une source inépuisable d’inspiration. Ils les employèrent alors dans leurs réalisations, les adaptant, les modifiant, les réinterprétant à leur guise. Cet ordre, résurgence de l’art antique, constitue en outre l’un des apports les plus considérables de la seconde moitié du XVIe siècle.
Les proportions harmonieuses, les lignes épurées, la sobriété et la qualité de l’ornementation font de ce cabinet une œuvre d’exception.
BIBLIOGRAPHIE
Jacqueline BOCCADOR, Le mobilier français du Moyen Age à la Renaissance, éditions d’art Monelle Hayot, 1988.