Description
HISTORIQUE
Compris entre la vallée de la Moselle et celle de la Meuse, entre les Vosges au sud et le duché du Luxembourg au nord, le duché de Lorraine est le fruit de plusieurs partages. Ce fut d’abord, au IXe siècle, le partage de l’Empire carolingien au cours duquel Lothaire Ier hérita de la Lotharingie. Ensuite, ce territoire fut à son tour divisé en deux en 959 : la Basse et la Haute-Lotharingie, cette dernière portant en germe le futur duché de Lorraine. Ce duché dépendit du Saint-Empire romain germanique jusqu’en 1736, date à laquelle il fut rattaché au royaume de France.
Néanmoins, tout au long de son histoire, le duché de Lorraine se trouva au centre d’intenses conflits. Les alliances, les querelles qui marquèrent les époques se firent également sentir en Lorraine, où l’instabilité régna parfois. Par sa position géographique, le duché de Lorraine apparaît également comme un carrefour d’influences artistiques.
Cela lui permit dès la fin du XIIIe siècle de devenir un important centre artistique où se développa un type particulier de Vierge à l’Enfant. D’après le Professeur J. A. Schmoll, les caractéristiques de cette sculpture lorraine apparaissent vers 1280-1300 dans la sculpture de l’Aube. Elle présente alors « des volumes vigoureux, des mouvements retenus, des gestes rares mais solennels, et une expression sévère fortement intériorisée ». Ces Vierges présentent une physionomie proche, avec un front large, un visage en écu ou à l’ovale plein, un cou large, des lèvres menues et une fossette au menton.
Ce modèle s’affirme au cours du XIVe siècle grâce à un regain d’intérêt pour le culte marial et pour le thème de la Vierge à l’Enfant, témoignage d’une sensibilité religieuse nouvelle, d’une conception plus intimiste de la pratique religieuse.
DESCRIPTION
L’imposante Vierge du XIVème siècle au regard lointain, que nous vous présentons, est un des plus beaux exemples de l’art sculptural de l’est de la France.
La posture hanchée de notre Vierge est motivée par le poids de l’enfant porté haut sur son côté gauche. Son enfant, à la chevelure aux boucles bien dessinées est vêtu d’une longue tunique rouge, au col en V, animée de longs plis et qui laisse apparaître ses petits pieds. La position de son pied droit retourné, se retrouve sur plusieurs vierges lorraines. L’air poupin, le regard fixe, il tient entre ses mains, un oiseau qui semble lui picorer le pouce de son bec.
« L’oiseau [que l’Enfant tient dans ses mains] a pu être interprété comme une allusion à l’épisode de l’Enfant Jésus façonnant des passereaux dans l’argile et leur donnant vie, épisode relaté dans l’évangile apocryphe du pseudo-Matthieu (ch. 27), repris dans le Coran (III, 43, v.110). Cependant, le thème semble bien davantage lié à la Rédemption ou à l’Eucharistie, l’oiseau symbolisant l’âme du fidèle, rachetée ou vivifiée ».
Marie est revêtue d’une longue robe à cinq cabochons en cristal de roche dont deux sont conservés. Elle est couverte d’un manteau bleu rehaussé de motifs vieil or, drapé en tablier et dont l’étoffe retombe en longs plis le long de sa hanche gauche. Le traitement en relief et volume du manteau qui développe un jeu de plis concentriques, contraste avec le plissé en méplat de la robe. Les plis de sa robe laissent toutefois deviner la courbe de sa jambe droite, fléchie.
Son front est ceint d’une couronne à fleurons maintenant un voile court, très fin, sculpté en très léger relief. Il dégage sa blonde chevelure ondulée, bien caractéristique du XIVe siècle. Ce visage large, aux yeux en amande, au nez droit, à la bouche aux lèvres menues, surmontant un petit menton creusé d’une fossette, garde le regard lointain si emblématique des Vierges du XIVe siècle.
De sa main droite, elle tient une fleur de lis. Raffinement supplémentaire, elle porte à l’annulaire droit une bague.
Dans le dos, sculpté avec application, s’étalent les chutes du voile court finement travaillées.
ETUDES COMPARATIVES
Cette sculpture de grande qualité présente des analogies évidentes avec les vierges lorraines que William Forsythe a défini comme le groupe de Saint Dié (Vosges), dans un article de 1936. Il rassemble ces Vierges autour de celle du cloître de la Cathédrale de Saint-Dié. Outre la Vierge du cloître de Saint-Dié, nous pouvons rapprocher la Vierge à l’Enfant que nous présentons ici de deux autres sculptures appartenant au même groupe, la Vierge à l’Enfant de l’église du monastère de Sion (Meurthe-et-Moselle) ainsi que celle du Musée Provincial de Trêves.
En effet, ces Vierges ont en commun :
– Une stature vigoureuse
– Un hanchement motivé par le poids de l’Enfant
– Flexion du genou droit
– Un long pli partant du dessous de son bras gauche et traçant une oblique jusqu’au pied droit
– Un voile court drapé en plis libre
Ainsi, si l’on se fît à la lecture de cet article, cette Vierge à l’Enfant fût sans nul doute réalisé par un artiste brillant oeuvrant dans le centre de la Lorraine.
Bibliographie
J.A.SCHMOLL gene. Eisenwerth, Die Lothringische Skultur des 14. Jarhunderts, Michael Imhof Verlg, D-36100 Petersberg, 2005.
William FORSYTHE, Medieval statues of the Virgin in Lorraine related in type to the St Dié Virgin, Metropolitan museum studies, 1936.